Avec l’arrivée de ses reliques au Centre Jean XXIII, c’est un peu comme si saint Thomas d’Aquin nous proposait jour après jour de faire connaissance avec lui. Ce mardi soir, une quarantaine de personnes, les intimes pour ainsi dire, étaient réunies dans la chapelle pour accueillir le grand docteur de l’Église. La découverte du reliquaire, au pied de l’autel, est une surprise pour certains. « Je pensais qu’il s’agissait d’une relique plus banale, nous confie une fidèle, mais c’est son crâne qui est là, c’est très impressionnant. » En effet le reliquaire laisse clairement voir le chef de saint Thomas et le document d’authentification, l’authentique, qui l’accompagne. Est-elle bien authentique, justement, cette relique ? Oui, c’est certain. D’une part les déplacements, peu nombreux, des restes de saint Thomas sont très bien documentés, d’autre part ces restes ont été à l’époque bouillis dans du vin rouge pour assurer leur conservation, donnant aux ossements une couleur très caractéristique.

Interrogé sur la raison de sa présence ce soir, un prêtre nous explique : « Saint Thomas est un phare pour l’Église, il nous pousse à la compréhension de la foi non seulement intellectuellement mais aussi par le cœur. La vénération de ses reliques nous aide, dans la prière, à découvrir pourquoi Il a aimé Dieu et son prochain de tout son cœur en imitant le Christ. » Un autre religieux s’enthousiasme : « Je lui dois toute ma formation ! Je crois que c’est l’unique saint que le droit canonique prescrit d’étudier*. Il est la clef de toute les études philosophiques et théologiques. Le thomisme, c’est la philosophia perennis, la philosophie pérenne, celle qui reste et qui permet le dialogue avec les modernes. »

Saint Thomas d’Aquin serait-il donc un pur intellectuel ? Le chanoine Jean Ehret, directeur de la Luxembourg School of Religion & Society, le présente aussi comme « un ami pour notre temps. On a fait de saint Thomas l’apologète parfait. Mais il savait aussi parler de manière très directe. Ses traités sont une chose, mais il faut savoir qu’il prêchait aussi, en dialecte napolitain. C’est un saint pour notre époque et il est là aujourd’hui avec nous, par la grâce de la communion des saints. »

Dans son homélie, le frère Olivier-Thomas Venard (o. p.), professeur à l’École biblique et archéologique française de Jérusalem, ne mâche pas ses mots : « La foi du charbonnier, c’est bon pour le charbonnier. Nous devons nous approcher de Dieu à la pleine mesure de notre intelligence. » Saint Thomas d’Aquin nous incite à l’audace, dans la séquence Lauda Sion composée pour la Fête-Dieu : Quantum potes tantum aude, Tout ce qui vous est possible, osez-le. « Nous sommes appelés à aller au bout de nos forces pour apprendre à connaître Dieu. Les orbites de saint Thomas nous disent : et toi, où en es-tu de ton désir de voir Dieu ? » Car c’est la clef de toute notre vie, poursuit le dominicain : voir Dieu, c’est le bonheur auquel nous sommes appelés. Et c’est la grâce qu’avait eu saint Thomas de son vivant. Frère Olivier-Thomas raconte qu'à la fin de sa vie, le théologien a annoncé à son secrétaire qu’il arrêtait de dicter : « Je ne peux plus Réginald, tout ce que j’ai écrit me paraît de la paille à côté de ce que j’ai vu. » Pendant une messe, le saint avait été en effet gratifié d’une extase. « Demandons au grand saint Thomas de cultiver en nous la grandeur d’âme, que le désir de voir Dieu vienne nous habiter avec force », conclut le frère prêcheur.

Adoro te devote, poême de saint Thomas d’Aquin

Je t'adore dévotement, Dieu caché
Qui sous ces apparences vraiment prends corps,
À Toi, mon cœur tout entier se soumet
Parce qu'à te contempler, tout entier il s'abandonne.

La vue, le goût, le toucher, en toi font ici défaut,
Mais t'écouter seulement fonde la certitude de foi.
Je crois tout ce qu'a dit le Fils de Dieu.
Il n'est rien de plus vrai que cette Parole de vérité.

Sur la Croix, se cachait ta seule divinité,
Mais ici, en même temps, se cache aussi ton humanité.
Toutes les deux, cependant, je les crois et les confesse,
Je demande ce qu'a demandé le larron pénitent.

Tes plaies, tel Thomas, moi je ne les vois pas,
Mon Dieu, cependant, Tu es, je le confesse,
Fais que, toujours davantage, en toi je crois,
Je place mon espérance, je t'aime.

O mémorial de la mort du Seigneur,
Pain vivant qui procure la vie à l'homme,
Procure à mon esprit de ne vivre que de toi
Et de toujours savourer ta douceur.

Pieux pélican, Jésus mon Seigneur,
Moi qui suis impur, purifie-moi par ton Sang
Dont une seule goutte aurait suffi à sauver
Le monde entier de toute faute.

Jésus, que sous un voile, à présent, je regarde
Je t'en prie, que se réalise ce dont j'ai tant soif,
Te contempler, la face dévoilée,
Que je sois bienheureux, à la vue de ta Gloire. Amen

Les jeudi 13 et vendredi 14 mars 2025, la LSRS organise une conférence interdisciplinaire en l’honneur de saint Thomas d’Aquin, avec une conférence pour le grand public jeudi soir à 20 heures après la messe célébrée en présence des reliques à 18 heures 30. Une bonne occasion de continuer à découvrir le docteur angélique avant de l’accompagner en procession, samedi, vers l’église Saint-Michel.

* Can. 252 § 3. Il y aura des cours de théologie dogmatique, toujours fondée sur la Sainte Écriture et la Tradition sacrée, grâce auxquels les séminaristes, ayant principalement saint Thomas pour maître, apprendront à pénétrer plus intimement les mystères du salut (…).